Ce grand projet réunissant des organismes publiques et privés a pour but de synthétiser le génome humain en entier, à partir de zéro. Cet effort pourrait prendre une dizaine d’années et nécessitent des milliards de dollars dans le développement technologique.
Ce projet a été officialisé le 2 juin 2016, presque un mois après la diffusion confidentielle. Les partisans du projet Human Genome Project-Write (HGP-Write), ont précisé dans Science que 100 millions de dollars venant de plusieurs sources de financement viendraient aider à la création du projet. L’équipe est menée par le biologiste Jef
Boeke de l’Université de New York, le biologiste spécialisé dans le génome George Church de l’école médicale de Harvard à Boston et Andrew Hessel, un futurologue du studio de design commercial Autodesk Research à San Rafael, en Californie. Cependant, le projet visant à réduire le coût de synthèse de l’ADN n’est pas forcément bien accueilli.
Même si le projet est louable par son ambition, il faut rappeler qu’à l’heure actuelle seuls de petits génomes bactériens et une partie du génome d’une levure ont été faits à partir de zéro. D’autres chercheurs estiment que le projet représente une centralisation inutile du travail qui est déjà en place dans les entreprises travaillant pour abaisser le prix de la synthèse de l’ADN.
Dans un mail envoyé aux journalistes, le biologiste Drew Endy, de l’Université de Stanford en Californie, et l’érudit Laurie Zoloth, de l’Université Northwestern à Evanston dans l’Illinois, trouvent que l’équipe du HGP-Write n’a pas correctement justifié ses objectifs, et préconisent le retrait du projet. « Nous sommes toujours en attente d’un débat public sérieux avec la participation d’un large éventail de personnes » affirment-ils.
Un lancement secret
Endy et Zoloth avaient déjà remis en question la justification scientifique de la synthèse d’un génome humain en mai, quand le projet a été diffusé secrètement lors du meeting à l’Université de Harvard, réunissant plus de 100 scientifiques, entrepreneurs, avocats et éthiciens. La nature confidentielle de la réunion a également suscité des critiques.
« Il y avait beaucoup de confusion ce jour à propos de ce qui se passait », explique Tom Ellis, biologiste à l’Imperial College de Londres, qui a assisté à la réunion. « Certains étaient au courant du processus d’examen quand d’autres le découvraient ».
Lors de l’annonce du projet, il a été précisé que les technologies actuelles sont à la fois trop coûteuses et trop primitives pour synthétiser le génome humain qui comprends 3 milliards de paires de bases. L’équipe prévoit une série de projets tests, comprenant la synthèse de segments beaucoup plus courts du génome et de faire des chromosomes amincis pour effectuer des tâches spécifiques, rendant l’objectif final faisable. L’ensemble du projet devrait nécessiter moins de 3 milliards de dollars (prix du financement public), confirment les chercheurs.
« Je pense que c’est un projet brillant », affirme Paul Freemont, biologiste à l’Imperial College de Londres, qui a participé au meeting. « Si vous voulez faire cela, cela va être de la même envergure que le Human Genome Project, cela va demander le soutient de grands centres de financement, ainsi que des centaines de chercheurs du monde entier ».
Ellis et d’autres craignent qu’un projet centralisé qui se concentre que sur le génome humain pourrait inutilement limiter les produits de l’effort. Mais Boeke, qui en 2014 a effectué la synthèse d’un chromosome de levure de 270 000 paires de bases, balaie cette objection. Il envisage ce projet comme étant une opportunité de produire des génomes synthétiques de souris, de microbes et de toutes sortes d’organismes. « Les produits tangibles peuvent être lents à suivre au début, mais l’écriture d’ADN à moindre coût et à grande échelle permettra aux chercheurs d’être plus efficace et complet dans leur travail, ce qui permettrait d’avoir un potentiel pratiquement illimité dans la production de produits indirects », ajoute Danielle Tullman-Ercek, ingénieure biochimiste à l’Université de Californie.
Les obstacles du projet
Ellis explique qu’il n’y a pas de méthodes pour insérer de très gros morceaux d’ADN dans une cellule de mammifère ainsi que de le rendre fonctionnel normalement, et les chercheurs onrt peu d’idées pour la conception d’un génome complexe qui a quelque chose de plus que des changements insignifiants à un génome déjà existant. Freemont craint que des organismes commerciaux tels que les sociétés de synthèse d’ADN revendiquent un droit sur le projet. « Je pense que c’est un bon projet si cela est une initiative ouverte, financé par l’état », explique-t-il. Boeke préférerait qu’il n’y ait pas de restrictions de propriété intellectuelle sur les produits du HGP-Write, comme dans le cas
de son projet sur le génome de la levure synthétique. Mais les « chances sont bonnes », dit-il, pour que les entreprises impliquées dans le projet accordent des droits « pour faire le travail ».
Dans l’article de Science, l’équipe du HGP-Write affirme qu’elle cherchera un plus grand fond de financement public avant de commencer le travail. Boeke précise qu’une grande partie de la réunion de Harvard était centrée sur l’éthique. Il dit aussi que les cellules synthétiques seront conçues pour rendre la reproduction impossible. « Nous ne cherchons pas à faire une armée de clones ou de créer une nouvelle ère d’eugénisme. Ce n’est pas notre plan ! »
Source : Nature, Article de Ewen Callaway, paru le 2 juin 2016