Des chercheurs de Bath (Royaume-Uni) et de Ratisbonne (Allemagne) viennent de bousculer la biologie. Ceux-ci viennent d’obtenir des souriceaux viables sans utiliser les ovocytes, chose contradictoire avec nos connaissances sur la reproduction.
Pour situer la chose, on sait que la reproduction sexuée se fait par union de deux gamètes, l’un femelle et l’autre mâle. Cette union permet d’apporter un lot de matériel génétique par gamète, donnant naissance à un individu portant des paires de chromosomes.
De ce fait on pensait que la fusion des gamètes était la seule voie possible pour la reproduction. Cependant avec l’arrivée du clonage et de Dolly (chèvre clonée en 1996), on arrive à créer artificiellement des organismes vivants. Inconvénient du clonage ? Un patrimoine génétique identique à l’individu d’origine, ne permettant pas de créer de diversité génétique.
Une nouvelle méthode inattendue
Avec ces recherches publiées le 13 septembre 2016 dernier sur le site de la revue Nature Communications, Toru Suzuki et ses collègues ont ouvert une nouvelle voie vers la création d’espèces animales, celle-ci consistant à ne pas utiliser les ovocytes.
Pour rappel, la fécondation sexuée permet la reprogrammation du gamète mâle, c’est à dire du spermatozoïde, qui est une cellule ultra différenciée, afin qu’elle devienne indifférenciée. Cette reprogrammation permettra à la cellule unique (zygote) devenue indifférenciée de donner n’importe qu’elle cellule lors du développement de l’organisme.
Le travail de recherche effectué consistait à utiliser des embryons de souris à un stade précoce avant la première division cellulaire et de les traiter chimiquement afin d’activer une première mitose, afin de réduire de moitié le nombre de chromosomes dans leur matériel génétique. Ces embryons traités sont devenus haploïde et appelés parthénogénotes, non viable chez les mammifères.
Un succès conséquent
Un spermatozoïde a été implanté dans chacun de ces embryons non viables, méthode similaire à la fécondation in vitro avec un ovocyte, cela permet d’apporter la deuxième moitié du patrimoine génétique. Ce zygote une fois prêt est réimplanté dans des souris jouant le rôle de mères porteuses. Le résultat ? 25 % des souriceaux nés de cette expérience sont viables et en bonne santé.
Ce résultat est nettement plus prolifique que le clonage par transfert de noyau, technique utilisée pour le clonage de Dolly (pour rappel, seulement 2 % des tentatives ont été concluantes).
Cette méthode présente cependant des signes épigénétiques (c’est à dire des changements dans l’activité des gènes), mais n’altère pas la santé, l’espérance de vie et la fertilité des souriceaux. À l’inverse, le clonage réduisait l’espérance de vie des animaux. Ainsi, l’équipe de recherche a réussie à créer des organismes vivants sans l’intervention de gamète femelle.
Et l’éthique ?
« C’est un travail très intéressant de biologie fondamentale, remarque Bernard Jégou (Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail, Inserm U1085, Rennes), qui bouscule ce qui apparaissait comme un dogme. L’étude a été effectuée avec une excellente méthodologie. Il faut donc la saluer. Cela étant, au-delà de l’amélioration des connaissances et d’un nouvel éclairage sur les mécanismes de la reproduction, que fera-t-on de ces résultats ? Il est bien trop tôt pour le dire. »
Ces recherches amènent à se poser certaines questions. « Cela brouille les distinctions fonctionnelles entre lignées cellulaires sexuelles, embryonnaires et somatiques (adultes) », écrivent les chercheurs dans leur article.
D’après un communiqué de l’université de Bath, l’éventualité de partir de cette approche pour obtenir plus facilement des descendances d’espèces en voie d’extinction est évoquée.
Bien évidemment, des questionnements éthiques ne manqueront pas, à la suite de cette publication. Les auteurs soulignent ainsi que l’affirmation selon laquelle les parthénogénotes n’ont pas le potentiel de se développer pour donner un individu, et qu’on peut donc y voir une source plus acceptable de cellules souches humaines qu’à partir des embryons, pourrait être remise en question. Cela supposerait que la technique qui a fonctionné chez la souris soit applicable à l’espèce humaine. Pour l’instant et au-delà des débats éthiques, rien ne permet de dire que cela serait le cas.
Source : Le Monde, article de Paul Benkimoun, paru le 13 septembre 2016.